« Zab Maboungou est une de ces artistes de talent venue d’ailleurs pour s’établir chez nous dont la contribution à la culture d’ici est exceptionnelle » - Ministère des affaires étrangères du Canada.

En 25 ans d’existence, la compagnie de danse contemporaine montréalaise Zab Maboungou/Compagnie Danse Nyata Nyata a fait son bon bout de chemin. La fondatrice, Zab Maboungou, était à Toronto tout récemment dans le cadre du mois de l’histoire des noirs pour présenter un extrait sa chorégraphie intitulée « Lwánza » -- qui veut dire « brut » dans son Congo natal.

 

« On présente un extrait de ça avec trois interprètes: un tambourinaire Elli Miller-Maboungou qui se trouve être mon fils, Mithra Rabel, et Karla Étienne qui est aussi mon adjointe de la compagnie. Donc, voilà, c’est vraiment un trio avec tambour et deux interprètes, » nous a-t-elle dit.

La prestation faisait partie du spectacle « Queens Calling » au centre Harbourfront du 6 au 7 février dernier. Elle a aussi suivi le spectacle avec un atelier de danse à l’école de danse COBA Studios.

Elle s’est confiée à Toronto-Franco.com au sujet de ses impressions de la scène artistique de la Ville Reine et ainsi que de ses particularités culturelles.

Toronto-Franco: Ce n’est pas la première fois que vous venez à Toronto; je crois vous avoir vue dans différents spectacles au cours des années. Comment est-ce que vous percevez la scène de danse à Toronto? Comparée à Montréal?

Zab Maboungou: Ce que les gens disent en général c’est que la ville de Montréal c’est la ville de la danse au Canada. Mais peut-être que c’est un petit peu prétentieux mais en même temps c’est ce qu’on entend quand même partout. Surtout sur le plan de la danse contemporaine, l’activité Montréalaise est vraiment très probante sur ce plan là.

Ceci dit au fait les traditions à Toronto ne sont pas les mêmes. Donc à Toronto il y a effectivement une grande influence de la danse plus moderne que contemporaine comme telle.

Même s’il y a un changement en ce moment, il y a des transformations en ce moment. Ce que je vois c’est que Toronto est en train véritablement là de se rattraper sur ce plan là.

Donc voilà et je viens vérifier parce que cela fait un moment que je ne suis pas allée à Toronto pour danser. J’y étais en fait en décembre tout dernièrement mais je n’ai pas dansé avec ma compagnie ici depuis un moment.

Toronto-Franco: Est-ce que vous pouvez me dire quelle est la nuance entre la danse contemporaine et la danse moderne?

Zab Maboungou: Bien la danse moderne elle se réclame en fait d’être un mouvement de réaction entre autres à la danse classique – le ballet Occidental -- qui dominait véritablement la scène artistique. Et en réaction contre ça on a créé une danse qu’on a appelé danse moderne.

Donc à l’origine vous avez tous les pionniers de cette danse moderne dont Isadora Duncan et plus proche de nous Martha Graham et toutes ces personnes là qui sont les pionniers de la danse moderne avec tout un aspect théâtral qui est mis de l’avent; un corps qui revient plus vers le sol et puis celle qui s’est levée vers les airs et toutes ces choses là.

Et la danse contemporaine bien c’est plutôt une danse plus actuelle, presque postmoderne, en quelques sortes, et qui fait appel à toutes formes, en fait toutes informations, que l’on peut retirer de la vie, de la vie actuelle, de la vie contemporaine.

Sur le plan de l’interdisciplinarité par exemple vous avez toutes les disciplines artistiques. La vie elle-même, le côté quotidien etc. Donc c’est vrai que ça a un effet, c’est une suite en fait de la danse moderne mais en plus actuel.

Toronto-Franco: Le thème du spectacle à Toronto, Queens Calling, rend hommage aux jeunes filles qui ont été enlevées au Nigéria dernièrement. Comment est-ce que vous percevez l’habileté de l’art et l’expression à inspirer les gens en général à être plus à l’affut de ce qui se passe dans le monde? Est-ce qu’il y a un lien? Ou est-ce que c’est quelque chose qui est possible?

Zab Maboungou: Oui il y a un lien certainement, possible certainement aussi, tout dépend de la façon dont on aborde la chose. En ce qui me concerne, moi je ne fais pas d’histoire. Je n’ai pas d’histoire dans mes chorégraphies. Ça peut même paraître frustrant pour les gens qui peuvent se demander: « mais qu’est-ce qu’on dit? Qu’est-ce que ça veut dire? Qu’est-ce qu’il faut comprendre, etc. »

Donc en fait moi je travaille contre l’histoire mais c’est parce que je travaille avec les rythmes et que j’estime que les rythmes en eux-mêmes nous encrent dans une histoire fondamentale. Donc pour moi l’histoire c’est le temps. C’est grand. C’est d’une dimension immense. Et donc, de ce fait, j’accorde énormément d’attention à la manière, un petit peu comme vous parliez tout à l’heure de la danse contemporaine, à l’actualité de notre présent dans le temps.

Et la manière dont on travaille ça exige évidemment une conscience. C’est-à-dire il faut se former l’esprit. Il ne faut pas simplement faire des galipettes et lever la jambe à gauche et à droite et croire que cela suffit. Il faut former l’esprit. Donc un artiste en danse devrait avoir l’esprit et le corps formé, attentif, vigilant à ce qui se passe autour de lui. Aux enjeux même de sa présence dans le temps. Voyez-vous? Ce qui fait que la manière de danser doit traduire cette conscience. Et si elle traduite cette conscience alors elle atteint une autre conscience.

Toronto-Franco: Aussi ce spectacle de Queens Calling se déroule dans le cadre du mois de l’histoire des noirs à Toronto. Comment percevez-vous la manière dont la danse africaine est célébrée dans le monde francophone versus dans le monde anglophone? Y a-t-il une différence?

Zab Maboungou: Ah mon Dieu, en tout cas cette bataille anglophone/francophone nous on l’a vie certainement puisqu’on est au Québec. Alors effectivement on subit cette bataille constante. J’aime à croire, même si cela est difficile en fait, que l’afro-descendance dans tout le Canada partage en fait une tradition. Une tradition très ancienne. Une tradition ancestrale extrêmement sophistiquée.

Sophistiquée à un point tel qu’elle a laissé plus que des traces. Elle a laissé des traditions dans les Antilles, en Amérique du Nord, et tout cela.

Et moi j’ai grandi en Afrique alors je le vois bien; je le vois très bien. Je dis souvent que je le vois plus que les gens qui sont d’ici – qui ne se voient pas. Ils ne voient pas d’où ils viennent. Il faut leur rappeler tandis que nous qui venons d’Afrique on le voit tout de suite dans ce qu’ils font d’où ça vient. Donc, voyez-vous, il y a un rapport un petit peu ambivalent, étrange, paradoxal entre les Africains, qu’ils soient anglophones ou francophones, mais quand ils viennent d’Afrique, et qui arrivent ici.

Donc ceci dit maintenant, il y a cette différence entre anglophones et francophones mais elle va souvent renvoyer justement aux cultures que j’appelle ex-colonialistes anglophones et francophones, parce que de mon point de vue, c’est une colonisation, c’est un impérialisme qui fait que nos afro-descendants se trouvent ici – la résultante d’une activité impérialiste dans le monde. Et donc on ne peut pas non plus oublier cela.

Donc tout dépend de la manière dont on approche cette danse là -- donc avec quelle conscience. Surtout lorsqu’on est afro-descendant. Que ce soit la diaspora ou directement venant d’Afrique, ou venant de l’Occident ni plus ni moins. Et ça c’est très important parce que très souvent il y a des divisions. Il y a des divisions qui se sont opérées du fait de cet impérialisme là. Et les anglophones ne se reconnaissent pas, les francophones et les anglophones ne communiquent pas comment ils pourraient communiquer. Si par exemple ils s’intéressaient à leurs arts plutôt qu’à la langue qui les divisent.

Donc en s’intéressant à leurs arts maintenant, que ce soit le tambour, que ce soit la danse, on voit bien que là se trouve, contenu sous ces formes là, des choses qui les rassemblent énormément.

Liens utiles :

Zab Maboungou/Compagnie Danse Nyata Nyata 

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